Bleu

Un livre de Michel Pastoureau

Une amie vient de m’offrir Bleu de Michel Pastoureau. Elle connaît certes ma passion pour les couleurs, mais sait aussi que je me suis récemment intéressée aux indiennes et aux procédés tinctoriaux, et donc à l’indigo. Pourtant le bleu n’est plus vraiment ma couleur préférée. Celle-ci a tendance à varier avec le temps, et, dois-je le dire, avec la mode et les urgences du moment. C’est plutôt au vert que vont actuellement mes préférences, peut-être parce que cette couleur est celle de la nature. Coupons là, il ne s’agit pas de parler de moi ici, mais bel et bien de ce livre passionnant que m’a offert Catherine. Michel Pastoureau, bien sûr que j’en ai déjà entendu parler, on ne peut pas faire d’Histoire sans le rencontrer. Je crois bien que j’ai commencé par Le petit livre des couleurs (2007), un ouvrage qu’il a écrit avec Dominique Simonnet. Un livre de références qu’il me faut absolument racheter. Il faudrait toujours avoir plusieurs exemplaires des livres qu’on aime, histoire de ne pas rester orphelin quand on les prête, sans retour trop souvent.

L’auteur

Il me faut bien présenter Michel Pastoureau et son œuvre, ce qui est difficile, car il a beaucoup écrit. J’ai écouté avec beaucoup d’attention un podcast de France Culture où il présente plusieurs de ses livres sur les couleurs, dont Bleu. Résumons un peu. Michel Pastoureau est né le 17 juin 1947 à Paris. Il y a des artistes-peintres parmi ses grand-oncles et son père est lié d’amitié avec des artistes, en particulier André Breton. Tout jeune, Michel Pastoureau fréquente donc les ateliers d’artistes et les musées. Adolescent, il étonne par son souci des couleurs. Son entourage parle de ses « caprices chromatiques ». Dans les années 1960, la couleur n’a pas sa place à l’Université, la documentation est en noir et blanc, et l’idée commune est que la couleur gêne le regard. Sa couleur préférée n’est pas le bleu, mais le vert (il faut absolument que je lise son livre sur le vert). Il fait ses études à l’École des chartes et occupe à partir de 1983 la chaire d’histoire de la symbolique occidentale de l’École pratique des hautes études. Ses premiers travaux portent sur l’histoire des emblèmes. Il a publié quantité d’ouvrages consacrés à l’histoire des couleurs, des animaux et des symboles. Parmi ceux qui traitent des couleurs, une série est particulièrement intéressante avec Bleu (2000), Noir (2008), Vert (2013), Rouge (2016), Jaune (2019), Blanc (2022), Rose (2024). Venons en maintenant au livre qui nous intéresse, Bleu.

Le livre

Dans l’Antiquité grecque et romaine, cette couleur ne compte pas. Or aujourd’hui, le bleu est la couleur préférée des Européens. Ce livre raconte l’histoire de ce renversement. À l’époque des rois mérovingiens, le bleu rentre dans la vie quotidienne, mais sans plus. Il faut attendre le XIIe siècle pour que le bleu prenne de l’importance. La lumière divine est bleue, alors que la lumière terrestre est blanche. Le bleu apparaît dans les vitraux et les émaux. La Vierge s’habille de bleu. Peu à peu le bleu s’impose à toute la société : couleur des rois, elle s’étend aux princes, puis aux nobles, et enfin aux membres de la bourgeoisie. Le bleu prend la place du rouge. Les teinturiers doivent faire des progrès dans la gamme des bleus, ce qui entraînent des litiges avec tous ceux qui vivent du rouge, les marchands de garance par exemple. Les recueils de recettes de teinture de la fin du Moyen Âge et du XVIe siècle fourmillent de détails, mais restent encore largement sous-exploités par les historiens.

Dès le milieu du XIVe siècle, Le bleu ne rivalise plus seulement avec le rouge, mais aussi avec le noir. Lui seul trouve parfois grâce auprès des réformateurs protestants qui rejettent toutes les couleurs vives. Le XVIIIe siècle aime beaucoup le bleu. L’indigo, importé, remplace le pastel, ce qui permet de diversifier la palette des bleus. La chimie des colorants fait de grands progrès. Le bleu s’éclaircit progressivement. Le premier romantisme est voué à la couleur bleue. Parallèlement, le bleu devient national, militaire et politique. Dans le drapeau français, le bleu est plus important que le blanc et le rouge. Au XXe siècle, le bleu marine supplante le noir des uniformes. Actuellement, on s’habille beaucoup en bleu, il n’est qu’à parler du fameux jean. Avec le bleu, on ne se fait pas remarquer.

Le bleu, une couleur chaude ou froide ?

La conclusion du livre m’a donné beaucoup à réfléchir. Au Moyen Age, le bleu était une couleur chaude. C’est l’association progressive du bleu à l’eau qui en a fait une couleur froide. Je vous laisse ouvrir Bleu et découvrir, tout seuls, la dernière phrase du livre.

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