L’Acanthe à feuilles molles

Acanthis mollis

J’ai un faible pour cette plante majestueuse que l’on trouve souvent dans les vieux et grands jardins. Il est vrai qu’elle peut devenir envahissante, mais elle est d’une fidélité à toute épreuve. Elle survit au froid et à la sécheresse. Je l’ai toujours vu repointer son nez après les rigueurs de l’hiver et la canicule de l’été. Elle a mis plusieurs années à fleurir dans mon tout petit jardin, mais  quel spectacle maintenant !

Akantha

Les acanthes  forment avec le temps de vastes touffes d’où émergent l’été de spectaculaires hampes florales. Un pied d’Acanthe peut dépasser les deux mètres de haut, mais il ne fleurit que lors de sa troisième année. Dans mon jardin, il a mis sept ans à se décider ! La hampe porte de nombreuses fleurs blanches ou rosées bordées de pourpre. Chaque fleur est associée à trois bractées rose-pourpre, dont la plus grande est épineuse. C’est cette dernière particularité qui a donné à l’Acanthe son nom, d’un mot grec qui veut dire « épine ». Dans la mythologie grecque, Akantha était une nymphe qui eut le malheur de trop plaire à Apollon, dieu du soleil et de la lumière. Pour se défendre, elle le griffa au visage et le dieu, pour la punir, la métamorphosa en une plante épineuse qui se plaît au soleil, l’Acanthe.

Un plante d’ornement

Cette vivace robuste, à la racine blanche et charnue, est originaire des zones sèches et rocailleuses du bassin méditerranéen. En Europe du Sud, elle pousse jusqu’à 300 mètres d’altitude.  Elle se plaît dans des sols riches, au soleil ou à la mi-ombre. Mon sol est pauvre et caillouteux, mais elle a survécu envers et contre tout ! Il est vrai qu’elle bénéficie d’un peu d’ombre. L’Acanthe résiste en hiver au gel de courte durée qui peut, cependant, faire disparaître son feuillage. La souche redémarre au printemps. L’Acanthe est cultivée pour son feuillage, mais aussi pour ses fleurs. C’est une plante d’ornement. Il en existe une trentaine d’espèces différentes. Les deux espèces les plus répandues dans les jardins sont l’Acanthe à feuilles molles (Acanthus mollis) et l’Acanthe épineuse (Acanthus spinosus). Le mot latin de spinosus rappelle que les feuilles de l’Acanthe épineuse piquent, contrairement à celles de l’espèce qui nous occupe, l’Acanthe à feuilles molles ou larges, appelée aussi Patte d’Ours ou Branc-Ursin. Les feuilles d’Acanthis mollis sont vert foncé et profondément découpées.

Un motif ornemental

La feuille d’acanthe est utilisée depuis l’Antiquité à des fins ornementales. Elle est, en effet, si plastique que chacun peut l’enrouler et l’entrelacer à sa convenance. L’ordre corinthien, apparu en Grèce au milieu du Ve siècle avant J.-C., se caractérise par un chapiteau décoré de deux rangées de feuilles d’acanthe. Vitruve, au Ier siècle avant J.-C., donne dans son De Architectura, une version poétique de la naissance du chapiteau corinthien. À Corinthe, une nourrice aurait déposé sur le tertre érigé à la mémoire de la jeune fille qu’elle avait élevée, une corbeille remplie d’objets. Afin de les protéger, elle aurait ajouté une tuile qui aurait contraint un pied d’acanthe à s’enrouler tout autour. Le sculpteur Callimaque (également architecte et orfèvre, connu pour son souci du détail, actif à Corinthe et Athènes à la fin du Ve siècle av. J.-C.), aurait ensuite reproduit ce spectacle dans ses œuvres.

Les Romains utilisent à leur tour l’ordre corinthien. L’acanthe s’échappe des chapiteaux pour s’intégrer à de nombreux décors sculptés. Au Moyen Age, l’art roman s’empare de la feuille d’acanthe pour orner certains de ses chapiteaux. La Renaissance italienne reprend la forme de l’acanthe antique. L’art baroque, au XVIIe siècle, fait un grand usage de la feuille d’acanthe dans l’architecture, la peinture, l’ébénisterie, l’orfèvrerie, le textile. L’acanthe enroulée atteint alors la plus haute forme de perfection.  Les XVIIIe et XIXe siècles utilisent eux aussi la feuille d’acanthe à des fins ornementales.

J’ai vu récemment que quelques petits pieds d’acanthe se sont installés tout autour de la plante mère de mon jardin. Je vais devoir les surveiller afin qu’ils n’envahissent pas tout l’espace, mais je veux bien en  accueillir encore quelques uns. Je ne m’en lasse pas !

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