La Madone aux fraisiers, attribuée au Maître du Jardin de Paradis de Francfort, vers 1420

Le Fraisier des Bois

Une plante si humble et pourtant si symbolique

J’aime beaucoup la Fraise des bois, ce faux-fruit d’une plante herbacée vivace de la famille des Rosacées. Son nom déjà est plein de poésie. Il vient du mot latin fragro (parfum) et rappelle toutes les fragrances du monde. La Fraise des bois a pour moi un parfum d’enfance, de cueillette au sein de forêts récemment éclaircies. 

Une plante si simple

Le Fraisier des bois est une plante basse qui n’excède pas une vingtaine de cm. Sa présence est assez discrète, mais il peut se propager en nappes serrées que je trouve assez sympathiques. Dans mon jardin, les fraisiers adventices se plaisent autour des pots bien exposés au soleil. De la verdure, à pas cher ! Et jolie, en plus ! La plante se propage grâce à ses graines et ses stolons, d’où la vigueur des nappes. Les feuilles sont trifoliées et dentées ; brillantes au-dessus, plus pâles et poilues en dessous. La dent terminale des feuilles est aussi grande ou plus longue que ses deux voisines, contrairement au faux fraisier. De petites fleurs blanches apparaissent au printemps. Attention ! La fraise n’est pas le fruit du Fraisier, mais le réceptacle de la fleur qui prend une consistance charnue. Les vrais fruits sont les akènes, petits fruits secs présents sur le pourtour de la fraise. Le Fraisier est une plante commune en Europe (sauf autour de la Méditerranée) et dans de nombreuses régions d’Asie. 

Une plante symbolique

Les fraises des bois sont consommées dès la Préhistoire. Rien d’étonnant que les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique aient craqué devant ces baies rouges si tentantes ! À l’époque romaine, le Fraisier des bois est cultivé comme plante médicinale, mais sa culture se perd au début du Moyen Age. Il faut attendre le XIVe siècle, pour que Charles V fasse planter 1 200 fraisiers à titre ornemental dans les fossés et les parterres du Louvre. Ce n’est peut-être pas un hasard. Le Fraisier a alors une forte portée symbolique. Comme beaucoup de plantes et d’insectes, il peut représenter le Mal comme le Bien. Si son faux-fruit, porteur d’une symbolique érotique renvoyant à Vénus, est diabolisé, ses fleurs blanches rappellent la pureté et ses feuilles trilobées, la Trinité. Les Vierges à la rose du XVe siècle représentent le Fraisier avec beaucoup de minutie aux côtés d’autres vivaces, le Muguet, la Violette, ou le Perce-Neige. Sa présence est particulièrement importante dans La Madone aux fraisiers. Derrière la Vierge, les fraises rouges et les fleurs blanches de la plante émergent d’un foisonnement de feuilles vertes. La Vierge au buisson de roses de Martin Schongauer est un autre exemple de cette utilisation symbolique et ornementale. Il s’agit toujours de la plante sauvage européenne. D’autres espèces apparaissent à partir de la fin du  XVIe siècle. Au milieu du XVIIIe s., le Fraisier des jardins, issu d’un croisement accidentel entre le Fraisier de Virginie et celui du Chili, s’installe dans nos plates-bandes, ou plutôt dans celles du roi.

Une plante comestible, mais …

Les fraises des bois ont un goût incomparable. Elles sont riches en vitamine C, glucose et fructose. Quelques précautions sont, malgré tout, nécessaires avant de s’en régaler. Il faut les récolter en dehors des lieux passants, ainsi que des endroits fréquentés par les chiens ou les renards (risque d’échinococcose) et les laver soigneusement. Pour plus de précaution encore, on peut les faire tremper dans de l’eau sucrée ou du vin. Sur sols pollués, les fraisiers peuvent avoir accumulé de l’arsenic. Les akènes, enfin, provoquent de l’urticaire chez certaines personnes. Quant à moi, je veux garder les nappes de fraisiers qui entourent mes pots, même si je n’en goûte guère les (faux) fruits ! 

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