Le Colchique d’automne
Une plante toxique, mais non dépourvue de charme
C’est la fin de l’été et l’automne s’annonce pour demain. J’ai été avertie à l’avance par les taches roses qui émaillent un pré situé non loin de chez moi. Les fleurs de colchique ! Bien sûr, comme chaque année, j’ai chantonné « Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent, Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été. » Et puis, je suis partie, un peu plus loin, à la recherche de ces jolies fleurs. Je croyais la chose facile, mais non ! Il n’y a pas des colchiques dans tous les près et j’ai été bien contente d’en trouver au bord de la route sur un unique talus. La plante est très toxique pour les humains comme pour les animaux, d’où son petit nom de Tue-chien, et les éleveurs veillent sans doute à la contenir.
Une si jolie fleur
Les colchiques sont des plantes vivaces qui ressemblent au crocus. Ils fleurissent, cependant, en automne et n’appartiennent pas à la même famille. Les crocus sont des plantes de la famille des Iridacées, alors que les colchiques ont donné leur nom à la famille des Colchicacées. On dénombre un peu plus d’une centaine d’espèces de colchiques. Leur identification est parfois difficile car les fleurs et les feuilles n’apparaissent pas au même moment. De nombreuses espèces se rencontrent en Asie Mineure et dans les Balkans. La France compte une dizaine d’espèces à l’état sauvage, dont Colchicum autumnale, l’espèce la plus commune. L’Ouest du Massif central se prête bien à la découverte du Colchique d’automne.
Le Colchicum autumnale est une plante vivace à bulbe (ou plutôt à corme) dont les feuilles lancéolées apparaissent au printemps et les fleurs en automne. Quant au fruit, de la taille d’une noix, il se montre après les feuilles et bien avant les fleurs. À l’automne, l’absence de feuilles rend la fleur bien visible dans les prés et, bien sûr, sur mon talus d’observation. Nous pouvons la contempler ensemble tout à notre aise. Elle est formée de trois pétales et de trois sépales (des sortes de petites feuilles) de même apparence. Ces six tépales rose lilas sont soudés en un long tube blanc et fin. Les étamines sont jaune orangé. La fleur est belle, mais s’abîme vite sous l’action de la pluie ou du vent. Elle a même tendance à se coucher sous son propre poids.
Comme la Libellule, le Colchique est une source d’inspiration pour les artistes de l’Art nouveau. Après sa découverte des œuvres d’Émile Gallé lors de l’exposition universelle de Paris de 1889, Louis Comfort Tiffany a réalisé au début des années 1890 un vase colchique d’automne. Quand on y songe, la fleur de colchique ressemble étrangement à un verre couleur lilas au long pied blanc.
Attention, danger !
« Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne. »
(Guillaume Apollinaire, Alcools, les Colchiques)
Le poète nous prévient, le Colchique est vénéneux. Le mot latin colchicum vient d’ailleurs d’un terme grec qui désigne l’Herbe de Colchide, une plante vénéneuse. La Colchide, rien de moins ! Cette région de Géorgie, située au bord de la mer Noire, n’est-elle pas le pays de Médée, une magicienne et une empoisonneuse bien connue de la mythologie grecque ?
Les scientifiques nous mettent en garde eux aussi. La plante contient dans toutes ses parties un poison, la colchicine. En cas d’ingestion, les troubles digestifs, sanguins et neurologiques qui apparaissent, se terminent bien souvent par la mort. Cueillir la plante à mains nues est dangereux également. Les jeunes enfants sont particulièrement menacés. Il nous faut les initier aux beautés mais aussi aux dangers de la Nature. Les adultes ne sont pas à l’abri pour autant. Ils peuvent, lors de leurs cueillettes, commettre l’erreur fatale de confondre l’Ail des ours avec le Colchique.
Même les insectes préviennent ! La Punaise à damier (Spilostethus saxatilis ), qui fréquente le Colchique entre autres plantes, avertit ses prédateurs de sa propre toxicité par sa livrée rouge aux taches noires.
Cependant, la colchicine, bien dosée, a un intérêt médical. Elle est utilisée depuis longtemps pour soigner la goutte. Plus récemment, il a été démontré qu’elle bloque la réplication cellulaire, d’où des propriétés anticancéreuses intéressantes. Il faut noter que l’extrême toxicité de la colchicine et le risque de surdosage rendent son utilisation médicale délicate.